YIARA 

MAGAZINE


A propos de “L’Amant”, roman par Marguerite Duras – Nina Molto


JANUARY 31, 2020





L’Amant, écrit par Marguerite Duras, décrit la vie d’une adolescente française dont la famille s’est expatriée au Vietnam. Le roman correspond à la vie de l’auteure  elle-même, et pourrait être considéré comme une autobiographie. Il se déroule dans les années 1930, lorsque Duras vivait son adolescence. Malgré que certains éléments aient été imaginés et revisités, la véracité de cette histoire a fait, et fait toujours, le débat. Mais au final, il n’est probablement pas très important de savoir si ces faits sont véridiques ou falsifiés : la narration est dirigée par les sentiments et questionnements internes que l’auteure a ressenti, et qui ont marqués sa jeunesse.

L’histoire de L’Amant tourne autour de cet homme que la narratrice rencontre et de leur relation qui en suit. Cependant, cette partie de l’histoire semble être un prétexte pour y amener le véritable sujet du roman : la famille de la narratrice, composée de sa mère et ses deux frères. Duras décrit effectivement une dynamique très intéressante entre les quatre membres de la famille; la mère étant une figure d’autorité du point de vue de ses enfants, mais aussi une personne victime de ses choix, enfermée dans sa situation et profondément insatisfaite. L’auteure la décrit comme froide et distante vis-à-vis d’elle, mais différente avec ses deux fils, plus protectrice et acceptante. Il est possible d’observer que la narratrice est constamment et subtilement rejetée par sa famille. Sa mère semble l’observer à distance, comme on observe curieusement un inconnu dont le comportement nous serait étranger : de loin, sans attachement ni implication quelconque. La narratrice décrit une vie extrêmement solitaire. Elle ne parle quasiment jamais en termes d’émotions, et décrit son environnement de manière froide et lointaine. Fait intéressant : son nom, ainsi que le nom des autres personnages nous sont inconnus. Elle les identifie seulement par le lien qui les unit, soit “le frère”, “le petit-frère”, “la mère”, “l’amant”, comme si elle décrivait les sujets d’une histoire, qui n’existeraient pas vraiment. Duras fait de sa narratrice (à qui elle s’auto-réfère probablement, on le rappelle) une existence fantomatique, non-existante, solitaire. Sans présenter les circonstances de sa vie, les noms des membres de sa famille et  des personnes qu’elle fréquente, elle ne prend pas d’identitée véritable. La complexité de ce sentiment de solitude et amenée de façon subtile et extrêmement puissante. 

Le lecteur ou la lectrice pourrait penser que cet isolement est la raison pour laquelle la relation entre “l’amant” et la narratrice s’est développée. Effectivement, on ne connaît pas l’occupation et les motivations cette personne qui soudainement entre dans la vie et le quotidien de la narratrice, mais Duras insiste constamment pour montrer ses faiblesses, l’aspect chaotique et même pathétique de la vie de “l’amant”. Celui-ci exprime beaucoup sa peine à la narratrice, mais celle-ci ne s’engage jamais dans le fait de lui répondre ou de le rassurer. 

Il est intéressant de noter les circonstances dans lesquelles tous deux se rencontrent. Une longue partie de la description de cette rencontre est composé de l’habillement de la narratrice, qui se décrit comme portant des vêtements et accessoires “inappropriés” pour son âge. Elle rapporte le jugement des habitants de son village, qui la qualifient de “prostituée”. Les vêtements qu’elle porte agissent comme un masque qui lui donne une identitée autre, nouvelle. Les personnes qui l’entourent la voient, la remarquent, même si cette attention est négative. “L’amant” s’intéresse à elle peu après qu’elle ait commencé à s’habiller différemment. Cette différence dans les regards renforce l’invisibilité de la narratrice. C’est comme si de par cet acte, elle laissait les autres faire le choix de sa propre identité, ou peut-être plus simplement, c’est comme si elle s’inventait une certaine importance, elle qui n’était rien. Mais, au final, la narratrice semble totalement détachée de cette féminité : elle s’en sert comme un outil, mais ne se l’approprie jamais. Tout comme cette dernière, “L’amant” est aussi un outil lui servant à s’émanciper. Nous comprenons donc que la façon dont elle se considère, elle se voit de  l’extérieur, est totalement détachée de son soi profond. Cette féminité est un échappatoire, qui sert à se libérer d’un environnement étouffant, emprisonnant, dans lequel elle ne peut être qu’invisible. 

La majorité du récit, dans lequel elle décrit son adolescence, est raconté du point de vue du futur. Duras a une manière propre à elle même de disséquer ses souvenirs dans un récit, à un tel point qu’ils ne semblent plus lui appartenir. À la fin du récit, Duras raconte les circonstances de son départ pour la France après avoir atteint l’âge adulte, et à quel point sa vie a changé depuis la période dans laquelle se déroule cette histoire. Cette façon de raconter son enfance d’un point de vue adulte marque ce roman comme la période de sa vie qui lui a permi de prendre sa propre route.


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feminist art & art history
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